Les pièges sont nombreux pour ceux qui se risquent à engager une action en justice contre des propos qu’ils estiment leur porter tort, sur le fondement de la loi sur la liberté de la presse du 1er juillet 1881. Le jugement rendu le 13 février 2014 par le Tribunal de grande instance de Paris en donne une nouvelle illustration, au sujet d’écrits publiés par un internaute sur des forums de discussion.

Une personne mécontente des services de son assureur protection juridique avait posté plusieurs messages sur des forums, dans lesquels elle indiquait notamment avoir été « arnaquée et escroquée » par ce « partenaire médiocre et malhonnête », « bande d’arnaqueurs et d’escrocs » contre lequel elle invitait même au boycott (« à fuir comme la peste », « n’allez jamais chez » lui, etc.).

L’entreprise visée décide d’agir au pénal pour diffamation.

Rappelons que la diffamation est « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération » d’une personne. Cette personne peut être une personne physique ou morale, en particulier une société.

Cependant, l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 distingue la diffamation de l’injure, qui est « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».

Les règles de procédure prévues par cette loi, protectrice des médias et de la liberté d’expression, sont strictes. Elles imposent, entre autres, l’obligation pour le plaignant de qualifier précisément les propos visés, selon qu’ils constituent soit une injure, soit une diffamation.

En l’occurrence, le Tribunal estime que certains des termes employés auraient pu caractériser un délit d’injure, alors le plaignant a agi sur le fondement de la diffamation uniquement.

De plus, comme le rappelle le Tribunal, « les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise industrielle ou commerciale » ne peuvent pas être poursuivies sur le fondement de la diffamation, car ils ne concernent pas une personne.

La jurisprudence défend un droit à la libre critique, découlant de la liberté d’expression, et qui peut justifier « l’expression d’une opinion ou d’un jugement de valeur », qui ne devient illicite qu’en présence d’attaques personnelles.

Dans le cas présent, les juges considèrent que les propos ne sont que la critique des prestations d’une entreprise, par conséquent exclus du champ de la diffamation. Le prévenu est par conséquent relaxé et l’action en diffamation rejetée.

Il est important de préciser toutefois que les critiques des entreprises ou de leurs produits et services peuvent, dans certaines circonstances, être constitutives de dénigrement et condamnées par les juridictions civiles sur le fondement de l’article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Pour lire la décision : Legalis.net