Le régime procédural des actions en contrefaçon est strict sur la question des délais. Une fois que la saisie-contrefaçon a eu lieu, le demandeur qui se plaint d’être victime d’une contrefaçon a l’obligation d’engager une procédure « au fond » (c’est-à-dire saisir le Tribunal de Grande Instance, par une assignation, pour qu’il statue sur la contrefaçon) dans un délai relativement bref, fixé par le Code de la Propriété Intellectuelle.

Ce délai est actuellement de vingt (20) jours ouvrables ou de trente et un (31) jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour de la saisie, tant pour les saisies réelles que pour les saisies descriptives.

Le délai est identique pour les contrefaçons de droits d’auteur, de logiciels ou bases de données, de marques, brevets ou dessins et modèles. La sanction du non-respect de ce délai est la nullité intégrale de la saisie et du procès-verbal, de plein droit, sans qu’il soit besoin pour le saisi de motiver sa demande de nullité et sans préjudice des dommages et intérêts qu’il peut réclamer.

Ce délai a été allongé par un décret du 27 juin 2008, pris pour l’application de la loi 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon : il était auparavant de quinze (15) jours seulement à compter de la saisie.

Dans un arrêt du 7 juillet 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions sur la façon dont ce délai doit s’appliquer dans certaines situations particulières.

Dans le cas d’espèce soumis à la Cour, une saisie-contrefaçon de brevet avait été pratiquée le 11 janvier 2007 dans les locaux d’une société, à savoir le repreneur du fonds de commerce d’un fabricant de machines utilisant le brevet. Une assignation en contrefaçon avait ensuite été délivrée à l’encontre de deux autres sociétés dans le délai imparti, soit le 25 janvier 2007. Plusieurs mois plus tard, la société dans laquelle la saisie s’était déroulée est assignée à son tour.

Estimant que le délai pour assigner suite à la saisie aurait dû être respecté à l’égard de cette troisième société, la Cour d’Appel avait annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon à son égard. La Cour de Cassation réprouve cette analyse :

« Vu les articles L. 615-5 et R. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable en la cause ; 

Attendu que, selon ces textes, il appartient au requérant, sous peine de nullité de plein droit de la saisie, de se pourvoir devant le tribunal dans le délai de quinze jours à compter du jour où la saisie ou la description est intervenue ; 

Attendu que pour prononcer la nullité de la saisie-contrefaçon du 11 janvier 2007 à l’égard de la société A…, l’arrêt retient que le délai de quinzaine devait impérativement être respecté vis-à-vis de celle-ci dans les locaux de laquelle la saisie-contrefaçon, pour partie réelle, avait été pratiquée et que, si la société N… a été assignée dans le délai imparti, il n’en est pas de même de la société A…, assignée plus de six mois après le déroulement des opérations ; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté qu’une assignation avait été délivrée aux sociétés N… et E… le 25 janvier 2007, ce dont il résultait qu’il avait été satisfait à l’obligation de se pourvoir devant le tribunal dans le délai de quinzaine suivant la saisie-contrefaçon, la cour d’appel, qui y a ajouté une condition qu’ils ne prévoient pas, a violé les textes susvisés ».

Ainsi, la saisie-contrefaçon est valable dès lors qu’une assignation au fond a été délivrée dans le délai requis par le Code de la Propriété Intellectuelle après le déroulement des opérations, et ce même à l’égard d’une autre partie, mise en cause ultérieurement, après l’expiration du délai.

Pour aller plus loin, lire l’arrêt sur Legifrance.