Dans son avis n° 20144578 rendu le 8 janvier 2015, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a affirmé que le code source d’un logiciel développé par l’administration était communicable à toute personne qui le demande. Cependant, la portée de cet avis est à relativiser et la communication du code source reste soumise à certaines réserves.

En l’espèce, la CADA avait été saisie fin novembre 2014 par un administré qui demandait à avoir accès au code source de l’application de calcul de l’impôt sur le revenu des personnes physiques afin de l’utiliser pour ses travaux universitaires. Ce dernier s’était vu opposer un refus par le directeur général des finances publiques.

La CADA interprète en premier lieu la notion de « documents administratifs » visée par l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 en estimant que « les fichiers informatiques constituant le code source sollicité, produits par la Direction générale des finances publiques dans le cadre de sa mission de service public, revêtent le caractère de documents administratifs ».

En déduisant que le code source est « communicable à toute personne qui le demande, conformément à l’article 2 de la même loi, dès lors, compte tenu des dispositions du g du 2° du I de l’article 6 de cette loi, que sa communication ne paraît pas porter pas atteinte à la recherche des infractions fiscales », la Commission a émis un avis favorable à la communication au demandeur du code source sollicité, sous la forme sous laquelle l’administration le détient.

En ce qui concerne la réutilisation du code, la Commission considère, sur le fondement de l’article 10 de la loi de 1978, que « à moins que des tiers à l’administration détiennent des droits de propriété intellectuelle sur ce code, il peut être utilisé par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public de l’administration fiscale ».

La CADA rejette les arguments du directeur général des finances publiques relatifs notamment aux difficultés techniques, voire à l’impossibilité matérielle, auxquelles se heurterait la communication envisagée. Elle ajoute que le droit à la communication d’un document administratif n’oblige pas l’administration à concevoir un nouveau document, mais seulement à la délivrance d’une copie sur un support compatible à celui qu’elle utilise.

Toutefois, cette liberté de communication et de réutilisation des documents ou fichiers informatiques de l’administration n’est pas absolue et la CADA rappelle plusieurs conditions applicables. Elle ne doit pas porter atteinte à la recherche des infractions fiscales. Elle doit aussi se faire dans la limite des possibilités techniques de l’administration, sans effort de l’administration pour rendre le document utilisable par le demandeur et aux frais de ce dernier, sauf envoi par e-mail.

La réutilisation de ces informations n’est en outre possible qu’en l’absence de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers à l’administration et « à condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées » selon les termes de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978.

Cette réutilisation doit se faire dans les limites fixées par la loi du 17 juillet 1978. Parmi elles, l’on peut citer celles relevant de l’ordre public, telle que l’atteinte au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France ou à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. En outre, le respect de la vie privée ou du secret médical oblige à ne communiquer certaines pièces qu’aux seules personnes intéressées.

Cet avis pose des questions sur la mise en balance du droit des administrés à la communication et la réutilisation des documents administratifs, tel le logiciel en cause, et des droits de propriété intellectuelle, en l’occurrence des droits d’auteur. En effet, un logiciel est considéré comme une œuvre de l’esprit par la Code de la propriété intellectuelle au même titre qu’une œuvre littéraire ou artistique. Il est, par conséquent, protégeable par le droit d’auteur : il ne s’agit donc pas d’un document administratif comme les autres.

La CADA ne semble conditionner la réutilisation des données publiques qu’à l’absence de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers à l’administration, sans mentionner ceux qui seraient détenus par des fonctionnaires ou par l’administration elle-même. Ainsi, à en suivre le raisonnement de cet avis, un logiciel développé par des fonctionnaires ou sur lesquels l’administration détiendrait des droits d’auteur pourrait être communicable et réutilisable par quiconque en fait la demande, et ce, comme tout autre document contenant des informations administratives.

En qualifiant le code source d’un programme informatique de document administratif, et en ne mentionnant que les droits de propriété intellectuelle des tiers comme possible obstacle à sa réutilisation, la CADA semble ainsi neutraliser le droit d’auteur de l’administration, qui ne pourrait s’opposer à la réutilisation de ce dernier.

La portée de cet avis, qui relance le débat sur la mise sous licence libre des logiciels développés par une administration, doit cependant être relativisée.

En effet, les avis de la CADA n’ont pas de force contraignante pour l’administration et sont susceptibles de recours devant le juge administratif. En outre, en l’espèce, le demandeur souhaitait utiliser le code source du logiciel de calcul fiscal pour ses recherches universitaires, et non pour une exploitation commerciale, par exemple. Enfin, le directeur général des finances publiques n’avait pas soulevé l’existence de droits d’auteur de l’administration ou de tiers sur ce logiciel. Il nous semble par conséquent que, dans d’autres circonstances, l’avis de la CADA aurait pu être différent.

Article rédigé avec la contribution d’Esther Dadoun, étudiante en droit.